Dans le sillage de la scène de Canterburry évoquée hier, on peut citer un autre groupe qui resta relativement dans l’ombre de formations comme Soft Machine ou Magma, qui occupèrent le devant de cette scène avant-gardiste. Créé à Bruxelles en 1974 par Daniel Schell et Pascale de Trazegnies, le groupe “Cos”, à géométrie variable lui-aussi, produisit plusieurs albums mélangeant des influences jazz, rock, classiques et de musiques populaires, accompagnés de textes surréalistes empruntant à diverses langues, dont le “Lincos”.
Et à cet instant précis, je sens comme le besoin d’une digression pour expliquer ce qu’est le Lincos. Il s’agit d’une langue construite dans les années 1960 par le mathématicien Hans Freudenthal, comme une sorte d’espéranto qui permettrait de communiquer avec les extra-terrestres (et cité dans le film “Contact” de R. Zemeckis). C’est dire si on planait haut à cette époque et on peut regretter que The Voice ne se soit pas déroulé à ce moment-là, c’eut été autre chose sur un plateau TV. Si vous ne connaissez pas cette langue, voilà à quoi ressemble une page d’un bon bouquin en Lincos (ici, un chapitre qui porte possiblement sur les bonnes mœurs au XXXIVe siècle dans la Galaxie d’Andromède, mais je ne suis pas expert):
Toujours est-il que la chanson “Ixelles” de Cos, qui rend hommage à ce quartier de la capitale, est en langue belge: les extra-terrestres devront feront un petit effort d’intégration… Mais juste entre 0 et 10, car en se rappelant que “L” vaut cinquante chez les romains, on a bien:
Partant de cela, il est possible que vous ayez déjà entendu le titre Ixelles dans ce “Sunshine” du duo de producteur Dan-The-Automator et Prince Paul a.k.a “Handsome Boy Modeling School”, sur lequel on peut aussi entendre les voix de Sean Lennon et Josh Haden (du groupe Spain).
Et voilà comment en l’espace de 40 ans, on a progressivement glissé d’un formalisme mathématique pour discuter avec le reste du cosmos, à un groupe dont le nom signifie “École de mannequinat pour beaux gosses”. Tout fout le camp.