On pense souvent aux DJs quand on parle de sampling, mais la pratique qui consiste à aller fouiner dans les vieux enregistrements est finalement la même que celle qui consiste à trouver d’anciennes partitions oubliées, ou encore d’aller écouter des grand-mères au fin fond de la campagne pour recueillir et transmettre des chants de tradition orale, comme le font les musicologues lors de “collectages” , quand cette discipline émerge à la fin du XIXè siècle.
Mais il faudrait remonter plus loin encore, jusqu’aux “trobairitz et troubadours” (en langue d’Oc), ou “trouveresses et trouvères” (en langue d’oïl), termes qui partagent une étymologie commune dans le latin tropare, qui peut aussi bien prendre le sens de “composer”, “inventer” que celui de “découvrir”, “rencontrer”.
Aujourd’hui, troubadons donc gaiement à travers différentes version de “Dahil Sa Iyo” (“À cause de toi”, en Tagalog), un morceau composé en 1936 par le philippin Mike Velarde Jr. (mais écrit par son père, Mike Velarde Sr.) , pour le film “Bituing Marikit” (“Belle étoile”), chanté par dans sa version originale par Rogelio de la Rosa:
C’est la seule version de 1938 que j’ai trouvée, mais on trouve également cette version de Nat King Cole, qu’il interprète en 1961 devant un public philippin lors d’une tournée à Manille:
Peut-être la version la plus fréquente est cet enregistrement de 1964, après que Mike Velarde et Tom Spinosa aient écrit une version en Anglais et Tagalog, et chantée par Cora Delfine et Santos Beloy:
Dans les années 1950, un percussionniste Hawaïen du nom d’Arthur Lyman, en fait une reprise dans le style exotica au goût de cet époque, sorte de représentation musicale fantasmée de la vie sous les cocotiers, qui sert de musique lounge dans les salons d’hotel, et plus tard à faire patienter des employés de bureau dans les ascenseurs de la vie moderne.
Trouveresse des temps modernes elle aussi, pour avoir passé pas mal de temps chez les disquaires londoniens lorsqu’elle débarque dans la capitale, Björk inclue un petit bout de cette version en toute fin de son Aeroplane, qui nous emmène dans les contrées lointaines de son premier album solo:
En découvrant son usage dans un morceau d’Arthur H sur “Trouble Fête”, un de ses premiers albums, j’ai d’abord pensé qu’il l’avait entendu chez Björk, mais il raconte dans un article sa découverte de la musique d’Arthur Lyman chez un disquaire lors d’un séjour au Canada:
«Je me sens libre à Montréal, et partout au Québec. J’entre dans les boutiques. J’achète des disques vinyles. J’ai trouvé au Québec une quantité incroyable de vinyles fabuleux. Une espèce de musique hawaïenne mystérieuse, avec du marimba, du vibraphone, beaucoup de gong, toutes sortes de cymbales asiatiques. J’en ai acheté plein. Maintenant, j’achète des disques d’inconnus. Des musiques disparues, dont les auteurs sont oubliés. Ça me plaît d’écouter de la musique d’artistes anonymes. Ils sont comme les bâtisseurs de cathédrales.»