#5 — Une page de pub

Dans le paysage de la musique folk américaine, on ne peut passer à côté de la figure d’Alan Lomax, musicien, musicologue folkloriste et collecteur insatiable de musiques américaines, ayant notamment promu des musiciens tels que Robert Johnson, Woody Guthrie ou Pete Seeger. Il commence dès son plus jeune âge sur les pas de son père John Lomax, lui-même musicologue (ainsi que sa sœur Bess Lomax et son frère John Lomax Jr., c’est une affaire de famille) et pionnier dans le collectage des musiques traditionnelles aux USA auprès de la prestigieuse bibliothèque du Congrès.

Alan Lomax enregistrera un nombre considérable de chants de la communauté afro-américaine, jusque dans les prisons et les champs de coton —contribuant ainsi à une meilleure reconnaissance de la culture afro-américaine, dans un pays encore sujet à la ségrégation raciale. Parmi ses nombreux enregistrements, on trouve ceux-là, extraits du catalogue “Sounds from the South”:

“Joe Lee’s Rock” de Willy Jones, dit “Joe Lee” (plus de détails ici):

ou encore “Trouble So Hard” de Vera Hall (plus de détails ici):

Ces voix sont tellement iconiques que les musiques les ayant samplées seront sans doute identifiées dès les premières secondes, pour celles et ceux qui écoutaient la radio ou la TV à l’aube de l’an 2000.

Tous les plus de trente ans auront reconnu “Find my baby” et “Natural blues” de Richard Melville Hall, alias “Moby”, un surnom qui lui aurait été donné par ses parents en raison du fait qu’Hermann Melville — auteur de Moby Dick, donc— serait un arrière-arrière-arrière-grand-oncle. Bon, pourquoi pas, Richard, même si des rumeurs courent que ce serait du flan.

Par contre, sur le plan musical, pas sûr qu’Alan Lomax, qui considérait que les médias de masse constituent une oppression pour l’expression des cultures locales, n’ait été enchanté par le matraquage radiophonique et publicitaire de l’album de Moby, ni par le fait qu’il ait oublié de créditer une partie des samples utilisés sur son album, ni par le fait qu’il n’ait pas versé un kopek aux auteurs, malgré plus de dix millions d’albums vendus. En fait, le gars n’a même pas rendu les CD de Lomax à son pote qui les lui avait prêtés. Mais peut-être doit-on à Moby le fait d’avoir fait connaitre ces enregistrements incroyables de Vera Hall et Joe Lee à autant de monde? Notamment à toutes celles et ceux qui ont pu voir les innombrables pubs ayant utilisé ses musiques. Sur ce point, OK, la porte-parole d’American Express est formelle:

Nous recevons des millions d’appels de personnes qui nous demandent : « Quelle est cette musique ? »

… auxquelles ils répondent bien que c’est Moby.

Bref, si vous fatiguez un peu d’entendre ces samples en boucle en 2024, il vous reste toujours la possibilité d’aller explorer les fabuleuses archives Lomax, qui contiennent une très large part des photographies et enregistrements de John et Alan, accompagnés de moult autres informations… garanties sans pub!

La suite demain à cette adresse!


Sources:

Author: Vincent

Independant R&D engineer and artist, crafting digital instruments for audio/visual live performances, installations and interactive applications. I post some of my works and news on this site.

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