Après quelques EPs d’échauffement chez le label de Metalheadz de Goldie, l’anglais Rupert Parkes sort en 1997 son premier album sous le pseudo de Photek. Ce nom anguleux, qui pourrait être celui d’une marque de hi-fi japonaise des années 1980, reflète assez fidèlement la musique de son auteur: minimaliste, mathématique et photographique.
Photek livre un “Modus Operandi” au minimalisme japonais, tant dans son design graphique que dans son esthétique musicale. Sa palette de sons assez restreinte donne à l’album une cohérence formelle, qui en fait une sorte de bande originale de film de sci-fi hallucinée en dix titres — l’album s’ouvre d’ailleurs avec le titre “The hidden camera“, qui nous annonce d’emblée les thèmes: silence, moteur, saturne. Plusieurs morceaux de cet opus (tels que “Aleph 1“, “124“ ou dans l’introduction de “Minotaur” ci-dessus) sont traversés par un filet de bruits filtrés, inversé par un miroir à retournement temporel et constellé de particules ionisées, qui s’en vont sifflant soufflant dans les grands vents solaires (enfin, c’est ce que j’y entends en tout cas, vous me direz ce qu’il en est pour vous).
La magie de la tek nous permet de remettre ces sifflements de photons inversés à l’endroit, et de décrypter ce signal électro-magnétique. Et là, Wow! comme disent les astrophysiciens quand ils captent un message extra-terrestre, on y découvre un ressac de mer, quelques chimes, clochettes et gongs… Nous voilà téléportés au Japon, aux côtés de Tsutomu Yamashita (dit “Stomu Yamashta”), percussionniste et compositeur japonais, qui reste relativement méconnu au vu de son œuvre impressionnante. Ce morceau “33 1/3” publié en 1975 dans son album “Raindogs” sera utilisé pour la bande originale du film “The man who fell to Earth” (featuring David Bowie, qui nous re-téléporte dans l’espace inter-sidéral).
Son père étant chef de l’orchestre philharmonique de Kyoto, Yamashta commença la musique très tôt et devint percussionniste d’orchestre dès l’âge de 13 ans, avant de poursuivre son éducation musicale aux USA dans les fameuses Juilliard puis Berklee school of Music. Il a collaboré à la fois avec de grands compositeurs contemporains tels que Toru Takemitsu, et introduit la percussion japonaise dans le rock progressif (avec le super-groupe “Go“, en la bonne compagnie d’Al Di Meola, Klaus Schulze, Steve Winwood et Michael Shrieve). Yamashta a également composé pour le Royal Ballet et collaboré à la musique de plusieurs films, dont ce “The man who fell from Earth” ou aux côtés de John Williams pour Robert Altman.
En 1985, il sort l’album “Sea & sky“, sur lequel figure “A photon“, veritable space-opera pour l’oreille comme on savait les faire à ce moment d’épique apogée des synthés. Un article paru en 2018 sur le site du New-York Times, et se basant sur les données de Spotify, prétend que la musique qu’on a écouté lorsqu’on avait entre 13 et 14 ans définit la majeure partie de nos goûts musicaux futurs… Je ne suis pas sûr qu’on puisse faire entièrement confiance à Spotify, mais c’est précisément l’âge qu’avait Rupert Parkes quand sort ce titre de Yamashta. Coïncidence? I think not!