Aujourd’hui quelques réflexions autour des musiques de Philip Glass, compositeur décrié par certains pour le minimalisme de ses ostinati à deux notes jugés simplistes, encensé par d’autres pour avoir forgé (avec Steve Reich, La Monte Young, Terry Riley, Moondog…) une esthétique de la répétition qui a, sans nul doute, influencé beaucoup de monde après lui, de Brian Eno à Yann Tiersen, de Hans Zimmer à Max Richter, de David Bowie à Colin Stetson…
Parmi les éléments qu’on retrouve fréquemment dans la musique de Glass, il y a donc ces ostinati à deux notes, parfois utilisés dans des polyrythmies à trois contre deux, comme dans cet “Opening“.

La main gauche joue deux croches, tandis que la droite joue un triolet, opérant ainsi une rotation permanente entre les deux motifs. La proximité entre la main droite et la gauche, et les légers accents placés ici et là, accentuent l’ambiguïté psychoacoustique de fusion/fission mélodique entre ces deux parties (what?). Notre perception se perd entre différentes mélodies possibles, qui se font et se défont, sans que notre attention puisse se fixer clairement sur un motif stable. Il en résulte un miroitement similaire à celui dont on fait l’expérience, quand on observe les reflets à la surface de l’eau, ou les caustiques lumineuses qui en marbrent le fond.

Ce sont de tels jeux de lumière traversant un verre qui ont inspiré à Hania Rani ce “Glass“, dont on peut supposer qu’il soit aussi un clin d’œil au compositeur new-yorkais. Elles use de décalages similaires à ceux d’Opening, mais alors que les deux mains jouent ici le même rythme, c’est le motif mélodique qui opère dans ce morceau le trois (à la main droite) contre quatre (à la main gauche), entrainant cet enivrant tournoiement.

Les adeptes de feng-shui vous diront ne jamais mettre deux Glass en miroir l’un de l’autre, car cela créé une boucle infinie de réflexions et engendre un vortex énergétique capable d’annihiler l’humanité par effet quantique (je l’ai lu sur internet). Il est vrai que cette pratique ne convient pas à tout le monde et comporte certains risques, comme celui de laisser sa playlist glisser par inadvertance sur un morceau de Steve Reich et partir au boulot avec une heure de retard. Gardez donc pour vous cette technique secrète que je vous transmets ici, qui permet de laver ses tympans par un simple centrifugeage rythmique. Dix minutes de pratique par jour suffisent à projeter toutes les anicroches hors de vos conduits auditifs et vous permettront, même en cas de vortex quantique annihilateur d’humanité, de commencer cette rude journée avec un détachement de Yogi.