Dans la profusion de groupes de rock progressif qui émergent dans les années 1970, il y a Supersister, un quatuor néerlandais qui, dans la veine de la scène de Canterbury, incorpore des musiciens dans une géométrie variable et invente un rock trempé de jazz en fusion. Leurs morceaux sautent joyeusement d’un groove funky à un paysage électroacoustique, d’une rengaine populaire à un bebop frénétique dans des morceaux aux durées tout aussi aléatoires.
Ils publient en 1972 l’album “Pudding en Gisteren (Music for Ballet)“, projet musical né d’une collaboration avec le “Nederlands Dans Theater”, qui mourut dans l’œuf après quelques représentations. Reste la musique, et un titre éponyme en fin d’album, qui signifie “Pudding et hier”, ce qui semblerait être une référence à une vieille blague sur l’austérité des années 1950 aux Pays-Bas, époque rejetée en bloc par cette génération en pleine contre-culture. L’heure et le pouvoir sont à l’imagination débridée et Supersister nous offre un titre de vingt minutes qui démarre sur un groove de synthés clavecinant, mais bifurque rapidement sur d’autres chemins…
Dix-huit minutes de road-movie psychédélique plus tard, la piste se termine dans un accident de guitares saturées, sur un tonnerre de roulement de toms et de cymbales. Après ce crash, on pense que c’est la fin. Mais c’est à ce moment (à 18:45) qu’arrive un thème gymnopédique joué par un piano seul, qui vient conclure ces vingts minutes de voyage effréné et nous ramène en douceur à la maison, car nous ne sommes plus en état de conduire.