Comme nous parlions hier de l’univers onirique de ce cher Jay-Jay, voilà une lettre d’amour sortie en 1998 sur “Tattoo”, son second album.
Jay-Jay y rend hommage à sa belle d’un pied léger, et pour une fois, paraîtrait presque joyeux. On le devine, au soleil couchant, rentrer à cheval dans son home sweet home et prendre sa plus belle plume pour écrire à sa Lulu, tandis que son chat se love dans un fauteuil au coin de l’âtre.
À mille lieues de la chaumière paisible de Johanson, le chanteur Cee-Lo est lui dans la jungle tourmentée de son “Open Book“. Il se démène comme une bête sauvage face aux esprits vaudous et aux vautours qui rodent, jouant son va-tout à livre ouvert et poing fermés, dans la toile tumultueuse de Danger-Mouse, qui tisse le son des Gnarls Barkley.
Entre la lettre de Jay-Jay et le livre de Cee-Lo, saurez-vous deviner l’encre qui relie ces deux chansons apparemment si éloignées?
Elles plongent toutes deux leur plume dans deux chansons de la regrettée Françoise Hardy, qui publiées à un an d’écart et dans deux langues différentes, semblent se faire écho. Tout d’abord, “Traüme” (“Rêves”, NdT), issu de l’album éponyme paru en 1970 et second opus germanophone de Françoise Hardy. La chanson se termine sur ces mots:
Träume, die uns nichts bedeuten
Sollte man beizeiten
Mit andern Augen sehn
Weil sie oftmals unser Denken
Auf die Wege lenken
Die wir dann gehnLes rêves que nous ne comprenons pas
Il faut savoir, au bon moment
Les regarder sous un angle différent
Car ils guident souvent nos pensées
Vers les chemins que nous prendrons ensuite
Un an plus tard, Françoise Hardy sort “La Question”, un nouvel album en français qui se termine par un “Rêve”, au singulier celui là, titre quasi entièrement instrumental, dont le texte bref arrive en toute fin:
Tu m’émerveilles comme un rêveQui s’est enfin réalisé Et tu me fais mal comme un rêve Dont il va falloir m’éveiller
Ce titre est une libre adaptation de “A transa“, une chanson récemment publiée par Taiguara Chalar Da Silva, dit Taiguara, compositeur et chanteur brésilien du même âge que Françoise Hardy. Taiguara commençait à connaitre le succès avec ses titres de MPB, ce genre musical qui émerge au Brésil dans les années 1960, inspiré du bossa-nova, mais son engagement politique lui valut une censure récurrente, puis des menaces par la dictature militaire, qui le conduisent à quelques périodes d’exils en Europe. Les paroles de “A transa” sont tout aussi brèves:
Vem, transpira a dor
Transgride a treva fria e vem viver
Transmutar, Transpor, Renascer
Vem, meu amorViens, transpire la douleur
Transgresse l’obscurité froide et viens vivre
Transmuter, Transposer, Renaître
Viens, mon amour