Au cœur de la Nouvelle-Orléans, dans le quartier de Storyville, il y avait Basin Street, “the street where the dark and light folks meet”, un quartier animé de bordels et de bars, dans lequel naissait Louis Armstrong en 1901, et où l’on jouait du “jass” à toute heure de la vie, enterrement inclu. Ce “land of dreams” était un tel bazar que les autorités décidèrent de fermer ce quartier, puis de le raser à la fin des années 1920.
Basin Street, c’est aussi le nom d’un “12-bar blues“, composé par Spencer Williams en 1928, enregistré par le jeune Louis Armstrong cette même année avec son incroyable solo de trompette et son impro de scat libre et drôle. Cette première version est purement instrumentale, mais les paroles de Spencer Williams (qui changent un peu selon les versions) racontent avec nostalgie:
Won’t you come along with me to the Mississippi?
We’ll take the boat to the land of dreams,
Steam down the river down to New Orleans.
The band’s there to meet us, old friends to greet us,
Where all the light and the dark folks meet,
Heaven on earth they call it Basin Street.
Where the elite always meet.
In New Orleans, land of dreams.
You’ll never know how nice it seems or
Just how much it really means.
Glad to be, yes, sir-ee, where welcome’s free, dear to me,
Where I can lose my Basin Street Blues.
Le titre devient un standard qui sera repris par un grand nombre de musicien·ne·s: Ella Fitzgerald (qui s’amuse à imiter la voix d’Armstrong), Shirley Bassey, Ray Charles, Miles Davis ou encore Dave Brubeck pour n’en citer que quelques un·e·s. Elle a également été reprise par un DJ de Montréal, qui pousse l’interprétation jusqu’à imiter la hauteur incertaine de l’impro vocale d’Armstrong dans l’enregistrement de 1928.
Oui, j’ai bien dit “reprise” par un DJ — bien qu’il l’ait aussi “samplé”. Et cela nous pose la question philosophique du jour: y a-t-il une différence entre sampler un morceau et en faire une reprise ? La question serait rapidement tranchée si on n’y regardait à deux fois: le sample c’est un petit bout de morceau qu’on copie/colle pour l’insérer dans un autre morceau; la reprise, c’est quand on interprète un morceau déjà existant.
Soit. Mais nous n’y avons regardé qu’à une fois.
Car de quoi s’agit-il lorsqu’on interprète un morceau existant avec de petits bouts de morceaux qu’on copie/colle ? Qu’on reprise, comme on le dirait d’un vêtement qu’on recoud avec de vieux morceaux d’étoffe ? Qu’on fait du neuf avec du vieux, en créant patchwork de toute pièce ? Peu importe me direz-vous, un enfant ne se poserait par cette question futile, de l’échantillon, de la reprise, de l’original, de la copie, du neuf, du vieux: il attraperait probablement tous les tissus à portée de main et jouerait à se déguiser en koala.