Lorsqu’en 1998 j’ai acheté l’album “Psyence Fiction” de U.N.K.L.E., le projet à géométrie variable de James Lavelle, fondateur du label Mo’Wax , j’ai eu droit à une série limitée contenant un EP bonus avec deux pistes, dont ce curieux remix de Portishead: “If You Find The Earth Boring (Portishead Plays U.N.K.L.E. Mix)“.
Cold weather, warm cover 2024
Chaque jour à cette adresse, un nouveau chocolat dans le calendrier de l’avent musical.
#23 — Un dimanche en Pologne
Mieczysław Fogg fut un des grands chanteurs polonais du XXème siècle. Né en 1901 et mort en 1990, il le traversa presque entièrement, avec ses deux guerres, sans jamais s’arrêter de faire des concerts: il en aurait fait près de 16000 durant sa carrière, ce qui ferait un concert par jour, tous les jours, pendant 43 ans — ça me semble dingue, mais c’est la radio publique polonaise qui le dit.
Lire la suite…
#22 — Le cliché de la basse lamentable
En ce solstice d’hiver, descendons le long de l’échelle dans les bas-fonds de la terre, dans le sol mineur, dans les root notes. On pourra pour cela emprunter le chemin connu de la “basse des lamentations”, une figure mélodique descendant progressivement l’intervalle d’une quarte, visant à produire son petit effet neurotoxique d’extase et de dépression, à une époque où il n’était pas toujours facile de se procurer de l’opium. Ce motif émotif est vieux de plusieurs siècles, on en trouve déjà la trace au début du XVIIe siècle chez Monteverdi, dans son “Lamento della Ninfa” ou dans le fameux “Dido’s Lament” de Purcell, l’aria de fin de “Didon et Énée” intitulé “When I Am Laid in Earth” — impossible de descendre davantage.
#21 — Broken flowers
Vous connaissiez peut-être les Tokyo Cuban Boys qui ont accompagné la grande Chiemi Eri, mais connaissiez-vous le Tokyo Ska Paradise Orchestra ? Si vous avez suivi les JO de Tokyo en 2020, vous les avez vus jouer durant la cérémonie de clôture, dans un stade complètement vide. Oui, c’est bien ça : un concert de ska, joué par un groupe japonais, dans un immense stade complètement vide, retransmis à la terre entière, et cela 75 ans jour pour jour, après que d’autres humains aient envoyé deux bombes atomiques sur ce pays. Un événement éminemment chargé de sens pour nous, humains, mais je veux bien croire que les autres espèces animales de notre planète aient parfois du mal à nous suivre.
#20 — Vive le vent d’hiver
Les Études de Chopin sont un ensemble de pièces majeures pour le piano, publiées en deux opus no 10 et no 25, qui ont donné leurs lettres de noblesse à cette forme originellement destinée à l’exercice. La plus populaire d’entre elle est sans doute l’étude no 3 en mi majeur du premier opus, nommée “Tristesse“, qui sera reprise par Tino Rossi dans sa chanson du même nom, puis par Gainsbourg dans “Lemon incest“.
Dans le second opus, on trouve l’étude No. 11 “Le vent d’hiver”, dont l’interprétation requiert une assez certaine souplesse des doigts. Écoutez bien ce déferlement de notes après l’introduction, qui s’abat sur nous comme une tornade de neige… L’auriez-vous déjà entendu ailleurs?
#19 — Traffic / jam
Je me souviens d’une étude scientifique dont m’avait parlé un collègue, visant à modéliser mathématiquement le trafic à Bombay, pour comprendre comment la circulation parvient à rester fluide en Inde avec un millier de voitures, quand elle se fige à Paris avec seulement trois. Pour ce qui est de Paris, les causes sont assez claires et modélisable avec un jeu réduit de paramètres. Mais je n’ai pas réussi à retrouver la trace de cette étude sur Bombay. Peut-être que les mathématiciens chargés de la modélisation ont simplement jeté l’éponge.
L’auditeur attentif notera que la communication acoustique joue un rôle aussi subtile qu’important dans cette affaire. Les scientifiques chargés de ladite étude auront peut-être minimisé la sophistication de ce langage non-verbal, qu’on pourra rapprocher, toutes choses égales par ailleurs, du chant des oiseaux. En l’occurrence, une espèce particulière d’oiseaux sur le cul desquels de belles plumes aux couleurs chatoyantes font apparaître ces trois mots: “Horn OK please“.
#18 — Platine et résurrectine
LaDonna Adrian Gaines, plus connue sous le nom de “Donna Summer”, n’a pas adopté ce nom de scène pour sa disposition à chanter des tubes de l’été (comme je l’ai longtemps cru), mais en raison d’un bref mariage avec un dénommé “Helmuth Sommer” et des conseils de Giorgio Moroder et Pete Bellotte, les producteurs notoires de l’essentiel de son répertoire. Donna est à l’été de son succès quand elle sort l’album “Bad Girls” en 1979, sur lequel figure “Hot Stuff“, qui ouvre l’album et sera l’un de ses plus gros tubes, mais on trouve aussi ce “Walk away” plus en retenue, et qui referme le sillon de la face A.
#17 — Piano hero
On classe souvent le compositeur Michael Nyman aux côtés de Steve Reich et Philip Glass, parmi les minimalistes. Comme il parait que Nyman, également musicologue, serait le premier à avoir employé ce terme dans le domaine de la musique, on lui laissera le soin de se coller lui-même, ou non, une telle étiquette. C’est la moindre des politesses.
Il partage au moins avec Glass un intérêt pour la musique de film, mais il a encore davantage écrit pour le cinéma que son collègue, en particulier pour les films de Peter Greenaway, avec qui il collabore à six reprises, composant notamment ce “Fish Beach” utilisé dans deux de ses films (hello again Jay-Jay!).
Nyman est également l’auteur de la partition de “La leçon de Piano” de Jane Campion, toute première palme d’or décernée à un film réalisé par une femme (encore qu’elle aurait pu dire “me too”, l’ayant gagnée ex-aequo avec le réalisateur Chen Kaige). Le film fait carton plein à tous les festivals: on récompense sa réalisation, son interprétation, ses décors, ses costumes et sa musique, dont la BO se vendra plutôt bien, contribuant à faire connaître Nyman à un plus large public que le club select des fans de Greenaway. On y trouve notamment ce “Little Impulse” suspendu au dessus du temps — un thème qui vous reste dans la tête autant qu’il s’avère compliqué de le chanter pour l’en faire sortir, agissant ainsi, par infusion sous-cutanée.
#16 — Le premier qui rira
On ne compte plus le nombre de westerns qui ont été repiqués dans des titres de hip-hop. Il faut dire que le minimalisme des dialogues dans ces films est favorable à la punchline. On parle peu, mais quand on le fait c’est pour tirer à balles réelles et mieux vaut viser juste pour ne pas finir du côté de ceux qui creusent. Les pochettes de disques de rap empruntent d’ailleurs beaucoup aux codes de l’affiche de western: une pose de bad-boy en légère contre-plongée, un rictus exprimant un subtil mélange de dédain et d’indifférence totale, enfin le regard de celui à qui on ne la fera pas au jeu du premier-qui-rira-aura-une-tapette. L’affiche de “Preparati la bara!” (“Django, prépare ton cercueil!” en français), western-spaghetti sorti en 1968 avec l’inénarrable Terence Hill n’y fait pas exception et son thème principal nous prend d’ailleurs pour des pieds-tendres avec son titre: “You’d Better Smile”.
Comme si on allait se laisser avoir! Ha ha ha!…
Et pan!
Ce sont les frères Gianfranco et Gian Piero Reverberi qui composent la bande originale, et parmi les diverses variations du thème le long du film, on trouve ce “Il Carico dOro” — “La cargaison d’or”. Une information qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd, mais dans celles du beatmaker d’un duo issu de la “Dirty South“, cette mouvance du hip-hop émergeant dans la poussière du sud des USA dans les années 1990, en marge de l’East et la West coast qui dominent l’industrie musicale.
#15 — L’interprétation des rêves
Comme nous parlions hier de l’univers onirique de ce cher Jay-Jay, voilà une lettre d’amour sortie en 1998 sur “Tattoo”, son second album.
Jay-Jay y rend hommage à sa belle d’un pied léger, et pour une fois, paraîtrait presque joyeux. On le devine, au soleil couchant, rentrer à cheval dans son home sweet home et prendre sa plus belle plume pour écrire à sa Lulu, tandis que son chat se love dans un fauteuil au coin de l’âtre.
À mille lieues de la chaumière paisible de Johanson, le chanteur Cee-Lo est lui dans la jungle tourmentée de son “Open Book“. Il se démène comme une bête sauvage face aux esprits vaudous et aux vautours qui rodent, jouant son va-tout à livre ouvert et poing fermés, dans la toile tumultueuse de Danger-Mouse, qui tisse le son des Gnarls Barkley.
Entre la lettre de Jay-Jay et le livre de Cee-Lo, saurez-vous deviner l’encre qui relie ces deux chansons apparemment si éloignées?