Independant R&D engineer and artist, crafting digital instruments for audio/visual live performances, installations and interactive applications. I post some of my works and news on this site.
On pense souvent aux DJs quand on parle de sampling, mais la pratique qui consiste à aller fouiner dans les vieux enregistrements est finalement la même que celle qui consiste à trouver d’anciennes partitions oubliées, ou encore d’aller écouter des grand-mères au fin fond de la campagne pour recueillir et transmettre des chants de tradition orale, comme le font les musicologues lors de “collectages” , quand cette discipline émerge à la fin du XIXè siècle.
Mais il faudrait remonter plus loin encore, Lire la suite…
Dans le sillage de la scène de Canterburry évoquée hier, on peut citer un autre groupe qui resta relativement dans l’ombre de formations comme Soft Machine ou Magma, qui occupèrent le devant de cette scène avant-gardiste. Créé à Bruxelles en 1974 par Daniel Schell et Pascale de Trazegnies, le groupe “Cos”, à géométrie variable lui-aussi, produisit plusieurs albums mélangeant des influences jazz, rock, classiques et de musiques populaires, accompagnés de textes surréalistes empruntant à diverses langues, dont le “Lincos”.
Et à cet instant précis, je sens comme le besoin d’une digression pour expliquer ce qu’est le Lincos. Lire la suite…
Dans la profusion de groupes de rock progressif qui émergent dans les années 1970, il y a Supersister, un quatuor néerlandais qui, dans la veine de la scène de Canterbury, incorpore des musiciens dans une géométrie variable et invente un rock trempé de jazz en fusion. Leurs morceaux sautent joyeusement d’un groove funky à un paysage électroacoustique, d’une rengaine populaire à un bebop frénétique dans des morceaux aux durées tout aussi aléatoires.
Ils publient en 1972 l’album “Pudding en Gisteren (Music for Ballet)“, projet musical né d’une collaboration avec le “Nederlands Dans Theater”, qui mourut dans l’œuf après quelques représentations. Reste la musique, et un titre éponyme en fin d’album, qui signifie “Pudding et hier”, ce qui semblerait être une référence à une vieille blague sur l’austérité des années 1950 aux Pays-Bas, époque rejetée en bloc par cette génération en pleine contre-culture. L’heure et le pouvoir sont à l’imagination débridée et Supersister nous offre un titre de vingt minutes qui démarre sur un groove de synthés clavecinant, mais bifurque rapidement sur d’autres chemins…
Dix-huit minutes de road-movie psychédélique plus tard, la piste se termine dans un accident de guitares saturées, sur un tonnerre de roulement de toms et de cymbales. Après ce crash, on pense que c’est la fin. Mais c’est à ce moment (à 18:45) qu’arrive un thème gymnopédique joué par un piano seul, qui vient conclure ces vingts minutes de voyage effréné et nous ramène en douceur à la maison, car nous ne sommes plus en état de conduire.
Bigre. Une vent d’Est semble s’emparer du rap francophone. De “l’enfer” de Stromae, à “l’odeur de l’essence” d’Orelsan en passant par “Blood Diamondz” de Sniper & Sexion d’Assaut, le son puissant des polyphonies slaves se glissent dans nombre de productions actuelles. Elles y apportent leur harmonie singulière, qui recourt abondamment à l’intervalle de seconde majeure, longtemps proscrit dans les compositions occidentales pour sa dissonance (tout comme le triton, “Diabolus in musica”).
Il est ici intéressant de jeter un œil à l’étymologie du mot “bulgare”, qu’on retrouve dans “bougre” ou “vulgaire”, et qui était utilisé dans l’occident pour dénigrer ces peuples de l’Est, considérés comme hérétiques. L’origine exacte de ce mot est incertaine, mais proviendrait peut-être de l’ancien turc “bŭlgar” : “agité, énergique, dérangeant”, terme qui aurait servi pour qualifier ces troupes de cavaliers nomades arrivées d’Asie centrale. Bref, les chants bulgares ne sont pas là pour notre sérénité, mais pour se propager à travers champs, le timbre saturé et toute voix dehors. Leur force frondeuse et leur harmonie alarmante ont peut-être aussi contribué, à leur manière, à ce statut de peuple impie.
En ce treizième jour du mois le plus sombre de l’année, dans cette agonie de soleil qui précède son renouveau, un morceau au titre idoine : “Suffer”, extrait du premier album des Smashing Pumpkins: “Gish” (1991).
“All that you suffer is all that you are. All that you smother is all that you are. And you’re saying you’re seeing, you’re seeing who you are. What takes meaning is cleaning the meaning of who you are. On this seam, I will dream on this seam. All of you struggles beneath your disguise; You drink from the reasons that hold you alive. To ascend from the wounds of desire and pain, You must rise from the mounds of desire and change”
… nous souffle Billy Corgan de sa voix de poupée Chucky, sur une texture de guitare ondoyante en demi-tons et une rythmique lancinante, qui ne sont pas sans rappeler celles de la Venus in Furs du Velvet.
Un morceau symptomatique de cette dépression générale, qui s’empare au tournant des années 1990 de la génération X et entraine d’un même mouvement le rock alternatif vers le grunge et le hip-hop vers le trip-hop. C’est dans ce désenchantement que s’opèrent aussi des brassages culturels et sonores, à la faveur de l’accessibilité des instruments de mixage, de montage, de sampling. Et c’est ainsi que le titre de Corgan se retrouve subvertit dans une version plus décadente encore que l’originale. Lire la suite…
Laissons les robots après tout et revenons du côté du corps, de la chair, des tripes. En septembre 2000 sort l’album “Felt mountain” de Goldfrapp, qui bien que dans l’air du temps (Portishead est passé par là) connait un succès mitigé auprès du public, malgré quelques titres, comme “Lovely head“, qui ouvre l’album et dont le thème, qui semble siffloté par un randonneur face au mont Cervin depuis un refuge des Alpes Suisses, a tout d’un ver d’oreille parfait pour la BO d’un James Bond, mais qui souffrit peut-être, allez savoir, d’une ressemblance fortuite avec le générique de 30 millions d’amis ou les violons de la pub Royal Canin. Après cette dernière phrase beaucoup trop longue, prenons donc un temps pour respirer un peu du bon air Valaisan offert avec la pochette de l’album.
J’allais vous parler de Gérard Lenorman, mais me suis dit que c’était pas sympa pour commencer la semaine (pas d’inquiétude ce n’est que partie remise). Donc un petit funk d’un musicien resté relativement méconnu qui nous a quitté récemment, j’ai nommé Edwin Birdsong (1941-2019).
Malgré quelques collaborations notables, notamment avec Roy Ayers et Stevie Wonder, il restera dans l’ombre de ces monstres du funk. L’auteur de “Cola Bottle Baby” aura tout de même vu un de ses morceaux connaitre un succès mondial, lorsqu’il fut samplé par un célèbre duo français. Mais indépendamment du succès, s’appeler “chant d’oiseau”, c’est quand même la classe à Dallas.
Ali qui? The”Greatest”, celui dont l’héritage est si vaste qu’il fût tenté de se faire appeler “Ali-aux-legs”, mais on lui souffla que c’était déjà pris. On a déjà évoqué précédemment le fameux match de boxe de Mohammed Ali, qui rassembla des stars de la musique noire comme James Brown, B.B. King ou Myriam Makeba et que retrace le documentaire “When we were kings” de 1996. Mais il y avait déjà eu un précédant doc sur ce match : “The Greatest“, réalisé en 1977 à partir du livre autobiographique de Mohammed Ali : The Greatest: My Own Story.
La bande son de ce documentaire, qui contient des musiques de Georges Benson ou de Mandrill, est signée Michael Masser. Le nom ne vous dit peut-être rien, mais ce Michael composa un certain nombre de tubes pour des musicien·ne·s de soul-au-sucre-glace dans les années 1970 et 1980, dont Georges Benson, Diana Ross ou encore Whitney Houston avec son fameux “Saving all my love for youuuuuuuuuuu“.
Dans la bande son de “The Greatest”, on trouve le morceau qui suit… et si vous écoutez bien après 1 minutes, vous reconnaitrez peut-être un sample repris dans un tube du hip-hop français sorti en 1998….
La musique électroacoustique, ou “musique électronique” avant que ce terme ne désigne plus que celles qui puissent se danser en night-club, ou en “discothèque”, pour citer un autre hold-up lexical, est née dans les laboratoires de recherche, les universités et quelques garages d’inventeurs fortunés. Elle n’attire pas les foules (euphémisme), en dehors de quelques curieux de cette entreprise d’exploration sonore, qui ne ressemble pas vraiment à ce qu’on appelle “musique” au milieu du XXème siècle. Lire la suite…
Au cœur de la Nouvelle-Orléans, dans le quartier de Storyville, il y avait Basin Street, “the street where the dark and light folks meet”, un quartier animé de bordels et de bars, dans lequel naissait Louis Armstrong en 1901, et où l’on jouait du “jass” à toute heure de la vie, enterrement inclu. Ce “land of dreams” était un tel bazar que les autorités décidèrent de fermer ce quartier, puis de le raser à la fin des années 1920.
Basin Street, c’est aussi le nom d’un “12-bar blues“, composé par Spencer Williams en 1928, enregistré par le jeune Louis Armstrong cette même année avec son incroyable solo de trompette et son impro de scat libre et drôle. Cette première version est purement instrumentale, mais les paroles de Spencer Williams (qui changent un peu selon les versions) racontent avec nostalgie:
Won’t you come along with me to the Mississippi?
We’ll take the boat to the land of dreams,
Steam down the river down to New Orleans.
The band’s there to meet us, old friends to greet us,
Where all the light and the dark folks meet,
Heaven on earth they call it Basin Street.
Where the elite always meet.
In New Orleans, land of dreams.
You’ll never know how nice it seems or
Just how much it really means.
Glad to be, yes, sir-ee, where welcome’s free, dear to me,
Where I can lose my Basin Street Blues.