Et pour finir ce calendrier, “God Bless The Child” de Billie Holliday.
Them that’s got shall get / Them that’s not shall lose
So the bible said and it still is news
Mama may have, papa may have
But God bless the child that’s got his own, that’s got his own.
Celui qui a aura / Celui qui n’aura pas perdra
C’est ce que disait la Bible et c’est toujours d’actualité
Maman peut avoir, papa peut avoir
Mais Dieu bénisse l’enfant qui a le sien, qui a le sien.
Un art de l’ellipse pour ne pas directement parler de l’argent, dont Billie Holiday a cruellement manqué.
En 1999, j’avais acheté ce CD “fear of fours” du duo anglais Lamb, un peu par hasard, parce que le titre et la pochette m’intriguaient (et parce qu’on faisait comme ça de mon temps avant l’internet et spotify, bande de jeunes). Un mélange de jazz, de sons électroniques, de cordes classiques et de jungle-break-beats qui reflètent vraiment un air du temps très “city life” — les œuvres de Steve Reich et de Goldie étant coïncidemment sorties toutes deux en 1995.
Au milieu du disque de Lamb, le titre “Ear Parcel” commence par un motif de cordes pizz, auquel répond un accord de vibraphone suspendu… et puis derrière, on entend le coassement de quelques grenouilles, la stridulation de grillons et d’autres bruits d’insectes nocturnes; un paysage sonore très cinématographique dont j’ai longtemps imaginé qu’il provenait d’un film…
Il y a un sensation psychique singulière dans le fait de reconnaitre un sample au milieu d’un morceau. Il semble se détacher, comme s’il avait été rajouté et collé là, quand bien même on écouterait le morceau original dont il est extrait. On pourrait attribuer cette sensation à une réaction primaire et profondément ancrée de réconfort que procure la familiarité, mais il s’y ajoute une forme d’excitation de l’ailleurs. Car cette familiarité dévoile sous nos pieds une passerelle secrète entre un monde que nous connaissions déjà et un autre jusqu’alors inconnu, rempli de couleurs et de sons inouïs. Et quoi de plus grisant que de nouvelles couleurs ?
Je ne me souviens plus de la date à laquelle j’ai entendu pour la première fois ce morceau de Shelly Manne, mais je me souviens de cette sensation. Il figure tout à la fin de l’album “Mannekind”, album de jazz progressif sorti en 1973, sur lequel Shelly Manne — batteur et chef d’orchestre au nombre impressionnant d’albums et de collaboration (dont Henry Mancini, dont nous parlions hier, mais aussi tant d’autres) — s’amuse à introduire quelques sons exotiques: Berimbau et Cuíca brésiliens, woodblocks et autres flexatones… Un son particulier ressort sur le dernier morceaux intitulé “Infinity”, qui ressemble à une sorte de balafon avec une réverbération très colorée et un slap-delay, comme des gouttes d’eau tombant au fond d’une caverne.
Après le succès de “Noël 70”, les Poppys, une quinzaine de jeunes sous la quinzaine, sélectionnés parmi les Petits Chanteurs d’Asnières pour interpréter des chansons de la gauche chrétienne (avec des titres comme “Jésus révolution“, yeah!), remet le couvert pour Noël 1971 avec leur plus grand tube: “Non, non, rien n’a changé“. Sur la face B de ce 45 tours (je réalise à quel point cette phrase n’a aucun sens pour les plus jeunes), sur cette face B, donc, on trouve ce titre tout aussi emblématique de la mondialisation naissante que de la culture hippie: “Love, Lioubov, Amour“.
À cette époque la guerre du Vietnam se “vietnamise” comme on dit officiellement, c’est à dire que Nixon, Brejnev et Mao se disent qu’il vaut finalement mieux se faire la guerre par procuration et envoyer des armes, plutôt que leur jeunesse, afin que les vietnamiens puissent continuer de s’entretuer, sans trop nuire à leur popularité.
Il n’en fallait pas plus pour confier aux Poppys le soin d’interpréter ce texte écrit par Jacqueline Néro, qui imagine Richard, Leonid et Georges partir en Chine pour “rire, boire et chanter dans une surprise-partie entre vieux copains” (oui, Georges est invité aussi, la France étant, comme chacun sait, au centre de l’échiquier politique mondial). Parce que la paix, c’est cool et à l’époque, ces leaders politiques avaient visiblement du mal à le comprendre. Heureusement qu’aujourd’hui, tout a changé et rien de cela n’a continué.
Dans toute la série de films de la Panthère Rose, le troisième épisode, intitulé simplement “Inspector Clouseau”, est le seul qui ne sera pas réalisé par le trio Blake Edwards / Peter Sellers / Henry Mancini (à la réalisation, l’interprétation et la musique respectivement), car ils étaient pris à ce moment par le tournage de “The Party” (excuse acceptée). Il en résulte un film réalisé par Bud Yorkin, plutôt raté et assez vite oublié, ainsi que sa musique, composée par Kenneth Thorne dans le style jazz-symphonique de cette époque.
Il est toujours intéressant dans ces séries, comme La Panthère Rose, James Bond, Mission Impossible etc., de voir comment le leitmotiv (et tout le monde connait celui de la panthère rose) filtre à travers chaque épisode. Film à part dans la série, “Inspector Clouseau” déroge à la règle en ne reprenant par directement le thème, mais dans un morceau comme “In the Alley Ways” par exemple, on sent son influence: on reste en mi mineur et la mélodie avance par chromatisme, comme le fameux thème… qu’on peut s’amuser à chanter dessus.
Michal Urbaniak, compositeur, violoniste et saxophoniste de jazz polonais, qui n’a encore sorti *que* cinq albums (sur une cinquantaine à son actif) enregistre “Atma” dans les studios de Columbia, avec un featuring spécial du Dr. Max Mathews himself, pionnier de l’informatique musicale, en assistance sur l’électronique du violon d’Urbaniak. Pour clôturer l’album dans un élan d’ouverture, “Atma – Tomorrow”:
New York, 1978.
Cedar Walton fait partie de ceux qui se sont cassés les dents sur l’enregistrement original de Giant Steps. Il devrait avoir une légion d’honneur rien que pour ça, mais on ne pourrait résumer sa carrière à ce fait d’arme. En 1978, alors qu’il n’a encore sorti *que* dix-sept albums en son nom (sur une cinquantaine à son actif), il enregistre “Animation”, pour Columbia lui-aussi, dans les mythiques studios Electric Lady de Jimi Hendrix. Sur cet album figure le morceau “Jacob’s ladder” (sans lien avec le film d’horreur éponyme cité précédemment), ici en version live at the Keystone Corner:
Un quizz en trois samples aujourd’hui, pour trouver le morceau qui les a utilisés. On commence par le plus connu: “Concrete Jungle” de Bob Marley and the Wailers, sur “Catch a fire” en 1973, dont les paroles font également à la chanson du jour qui le sample:
Now, where is this love to be found? Won’t someone tell me ’cause life, sweet life Must be somewhere to be found Instead of a concrete jungle Where the living is harder
Ensuite, une touche de funk et d’amour avec ce “It’s a love thing” de The Whispers en 1980.
Si vous avez arpenté les bacs de votre médiathèque, vous aurez peut-être croisé cette catégorie: “musique fonctionnelle”, généralement dans les bacs situés tout au fond près de la porte des toilettes. La musique fonctionnelle, c’est ce genre musical fourre-tout, dans lequel on trouve en vrac les comédies musicales, les génériques d’émissions télé, les musiques de mariages et d’enterrements, les musiques de relaxation et d’ascenseur, les disques karaoké, les fanfares militaires, les bruitages et autres effets spéciaux, les enregistrements de chants d’oiseaux et quelques disques de Pascal Comelade. En gros, tout ce qui n’est pas classable dans les autres genres musicaux.
On peut y trouver quelques disques de “Gary Sandeur”, connu sous le nom de Gabriel Benhamou quand un policier le lui demandait, et sous celui de Philippe Bréjean quand il chantait ou animait des émissions TV:
Il a crée le label “Hibou Music”, qui propose une librairie de jingles, musiques de fond pour journal d’info, musiques d’attente téléphonique et autres compositions pour accompagner avec goût vos mariages, événements sportifs, strip-teases ou films de série Z. On trouve ainsi le morceau suivant dans la compilation de 1985 intitulée “Fantastique, suspens, angoisse, étrange, espace, mystère vol.1”:
On pense souvent aux DJs quand on parle de sampling, mais la pratique qui consiste à aller fouiner dans les vieux enregistrements est finalement la même que celle qui consiste à trouver d’anciennes partitions oubliées, ou encore d’aller écouter des grand-mères au fin fond de la campagne pour recueillir et transmettre des chants de tradition orale, comme le font les musicologues lors de “collectages” , quand cette discipline émerge à la fin du XIXè siècle.
Mais il faudrait remonter plus loin encore, Lire la suite…
Dans le sillage de la scène de Canterburry évoquée hier, on peut citer un autre groupe qui resta relativement dans l’ombre de formations comme Soft Machine ou Magma, qui occupèrent le devant de cette scène avant-gardiste. Créé à Bruxelles en 1974 par Daniel Schell et Pascale de Trazegnies, le groupe “Cos”, à géométrie variable lui-aussi, produisit plusieurs albums mélangeant des influences jazz, rock, classiques et de musiques populaires, accompagnés de textes surréalistes empruntant à diverses langues, dont le “Lincos”.
Et à cet instant précis, je sens comme le besoin d’une digression pour expliquer ce qu’est le Lincos. Lire la suite…